Zone Temporaire Noétique

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Catégorie : Essais

Les empoisonneurs de Sébastien Fontenelle

Quotidiennement, des agitateurs prennent d’assaut les tribunes pour attiser colères identitaires et passions xénophobes. Leur brutalité verbale, qui vise principalement les «migrants» et les «musulmans», rappelle la violence de ceux qui, dans la première moitié du siècle précédent, vilipendaient les «métèques» et les «juifs». De la même façon que les droites d’antan vitupéraient contre le «judéo-bolchevisme», leurs épigones fustigent l’«islamo-gauchisme», qu’ils associent à l’antisémitisme.

Or ces mêmes accusateurs font parfois preuve d’une étonnante complaisance lorsqu’ils se trouvent confrontés, dans leurs alentours culturels et idéologiques, à des considérations pour le moins équivoques sur les juifs ou sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Soudain ils deviennent magnanimes et peuvent même trouver à leurs auteurs des circonstances atténuantes. Et ainsi se perpétue l’abject.

Or ces mêmes accusateurs font parfois preuve d’une étonnante complaisance lorsqu’ils se trouvent confrontés, dans leurs alentours culturels et idéologiques, à des considérations pour le moins équivoques sur les juifs ou sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Soudain ils deviennent magnanimes et peuvent même trouver à leurs auteurs des circonstances atténuantes. Et ainsi se perpétue l’abject.

Libère-toi cyborg ! d’ïan Larue

Le pouvoir transformateur de la science-fiction féministe
Ïan Larue

Gynoïdes, sorcières, vampires, chiennes et souris de laboratoire : toutes sont liées à la cyborg de Donna Haraway.
Reprenant la liste d’auteurs et autrices de science-fiction féministe citées à la fin du Manifeste cyborg, Ïan Larue redéfinit cette figure fondatrice dans la pensée de la philosophe : « La cyborg, c’est l’esclave noire qui apprend à lire dans un roman d’Octavia Butler ; la jeune fille encapsulée qui, loin de se sentir handicapée, connaît des milliers de connexions ; la fille-orque transportée dans les étoiles. La cyborg est l’hybride suprême, hybride entre une femme réelle et un personnage de roman qui se superpose à elle pour la doter de mille nouvelles possibilités dont celle, fondamentale, de faire éclater capitalisme, famille et patriarcat. »

Le silence des livres de George Steiner

George Steiner : Philosophe, essayiste et romancier né à Paris en 1929. Ses parents, d’origine juive viennoise, lui donnèrent une éducation polyglotte et l’initièrent très tôt aux grands textes classiques : il n’avait pas six ans que son père lui transmettait son goût du grec ancien en lui faisant croire qu’un des passages les plus éblouissants de l’Iliade n’était pas traduit en allemand. C’était la naissance d’un des grands lecteurs du XXe siècle.

Pour quiconque connaît l’œuvre de Steiner, son amour du livre est incontestable. Néanmoins une question le taraude : Pourquoi l’Occident, malgré la culture, a-t-il produit la barbarie ? Dans un premier temps, George Steiner relate l’histoire du livre, son évolution technique (tablette d’argile, papyrus ou papier), son importance dans le destin de l’Occident : la Bible en est évidemment la référence centrale, aussi bien que les grands fondamentaux, d’Aristote à la philosophie contemporaine ; enfin, la littérature et l’Âge d’or du livre.

George Steiner s’intéresse ensuite à ceux qui semblent avoir voulu la fin du livre, au nom de la supériorité de la transmission orale, des charmes d’une innocence rousseauiste ou de l’utopie révolutionnaire. Enfin, il aborde les nouvelles menaces : la censure, les nouvelles technologies, la révolution électronique qui creuse davantage encore le fossé entre littérature du savoir et littérature du pouvoir.

La réponse de Michel Crépu, Ce vice encore impuni, met en lumière cette relation de désir au livre, d’amour du sens inépuisable, et l’éventualité d’une fin, la peur, voire la haine. Il en résulte une expérience très paradoxale de la vulnérabilité du livre : ce qu’on éprouve, c’est la puissance de cette fragilité. C’est l’expérience même de la lecture qui est en jeu.

Mythocratie d’Yves Citton

Storrytelling et imaginaire de gauche

Comment comprendre le « pouvoir doux » (soft power) que mobilisent nos sociétés mass-médiatiques pour conduire nos conduites, pour nous gouverner ? Comment en infléchir les opérations pour en faire des instruments d’émancipation ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions en croisant trois approches. Il synthétise d’abord le nouvel imaginaire du pouvoir qui fait de la circulation des flux de désirs et de croyances la substance propre du pouvoir. Il se demande ensuite ce que peut un récit, et en quoi les ressources du storytelling, qui ont été récemment accaparées par des idéologies réactionnaires, peuvent être réappropriées pour des politiques émancipatrices. Au carrefour des pratiques de narration et des dispositifs de pouvoir, il essaie surtout de définir un type d’activité très particulier : la scénarisation. Mettre en scène une histoire, articuler certaines représentations d’actions selon certains types d’enchaînements, c’est s’efforcer de conduire la conduite de celui qui nous écoute – c’est tenter de scénariser son comportement à venir. C’est ce pouvoir de scénarisation, tel qu’il s’exerce au Journal de 20 heures ou dans la publicité, mais aussi dans nos conversations quotidiennes, qui décide du résultat des élections, des emballements boursiers, des montées du racisme, des contagions d’indignation ou de l’invention collective d’autres mondes possibles. Cet essai tente d’en baliser les contours généraux et d’en suggérer des usages émancipateurs.

Appel à la vie contre la tyrannie étatique et marchande de Raoul Vaneigen

« Je n’ai rien à dire à quelqu’un qui n’est pas écœuré par la lavasse des vieilleries remises à neuf, par le brouet dont se nourrissent depuis des siècles nos cultures, nos gestes et nos mœurs, par le harcèlement d’une éducation permanente qui s’emploie avec un zèle frénétique à nous désapprendre à vivre. »

« Cela fait, depuis le Mouvement des occupations de mai 1968, que je passe – y compris aux yeux de mes amis – pour un indéracinable optimiste, à qui ses propres rengaines ont tourné la tête. Pourquoi mon attachement viscéral à la liberté s’encombrerait-il de raison et de déraison, de victoires et de défaites, d’espoirs et de déconvenues, alors qu’il s’agit seulement pour moi de l’arracher à chaque instant aux libertés du commerce et de la prédation, qui la tuent, et de la restituer à la vie dont elle se nourrit ?
J’ai à l’endroit du sens humain la même confiance. »

Le Mythe de la Machine de Lewis Mumford

« Le propos de ce livre est de remettre en question aussi bien les postulats que les projections sur lesquels repose notre attachement aux formes actuelles du progrès scientifique et technique, envisagées comme des fins en soi. Je contesterai, preuves à l’appui, les théories les plus répandues sur les fondements de la nature humaine en ce qu’elles surestiment le rôle joué autrefois par les outils – et maintenant par les machines – dans le développement de l’humanité. »

« Les générations précédentes s’illusionnaient déjà en associant sans justification le progrès mécanique au progrès moral. Mais nos contemporains, qui ont pourtant de bonnes raisons de rejeter la présomption victorienne selon laquelle la maîtrise de la machine améliorerait toute création humaine, ne s’acharnent pas moins, avec une ferveur maniaque, à développer sans fin la science et les techniques, comme si par magie d’elles seules dépendait le salut de l’humanité. C’est parce que notre assujettissement à la science et à la technique résulte d’une interprétation profondément erronée du cours de l’humanisation qu’il importe d’abord de revisiter les principales étapes de l’histoire de l’homme, des origines à nos jours. »

Comment je suis devenue anarchiste d’Isabelle Attard

C’est un mot interdit, un mot tabou, un mot qui fait peur même à ceux qui s’y reconnaissent : « anarchisme » ! Et pourtant, cette vision du monde, bien loin des images de violence que les dominants répandent pour la discréditer, promeut la coopération, l’émancipation, le respect des êtres et du vivant. C’est ce que vous racontera ce livre, qui n’est pas un essai, mais une histoire : celle d’une femme « normale », qui n’aurait jamais pensé qu’elle était anarchiste, mais qui, au fur à mesure de son parcours intellectuel et politique, a découvert cette doctrine libératrice. Par son refus de l’autoritarisme et son souci de l’écologie, l’anarchisme se répand discrètement à travers la société et s’articule de plus en plus souvent, dans les idées et sur le terrain, avec l’écologie. Il était temps que l’on puisse de nouveau afficher sereinement ce mot. Et si, vous aussi, vous étiez anarchiste sans le savoir ?

Isabelle Attard, docteure en archéozoologie et directrice de musée, a longtemps vécu en Suède. Revenue en France, elle a été députée écologiste entre 2012 et 2017. L’occasion de prendre des positions fortes, notamment contre l’état d’urgence. Chemin faisant, Isabelle Attard a découvert l’anarchisme, un idéal politique dans lequel elle s’est pleinement reconnue

Manières d’être vivant de Baptiste Morizot

Enquêtes sur la vie à travers nous

Imaginez cette fable : une espèce fait sécession. Elle déclare que les dix millions d’autres espèces de la Terre, ses parentes, sont de la “nature”. À savoir : non pas des êtres mais des choses, non pas des acteurs mais le décor, des ressources à portée de main. Une espèce d’un côté, dix millions de l’autre, et pourtant une seule famille, un seul monde. Cette fiction est notre héritage. Sa violence a contribué aux bouleversements écologiques. C’est pourquoi nous avons une bataille culturelle à mener quant à l’importance à restituer au vivant. Ce livre entend y jeter ses forces. En partant pister les animaux sur le terrain, et les idées que nous nous faisons d’eux dans la forêt des savoirs. Peut-on apprendre à se sentir vivants, à s’aimer comme vivants ? Comment imaginer une politique des interdépendances, qui allie la cohabitation avec des altérités, à la lutte contre ce qui détruit le tissu du vivant ? Il s’agit de refaire connaissance : approcher les habitants de la Terre, humains compris, comme dix millions de manières d’être vivant.

Libres d’obéir de Johann Chapoutot

Reinhard Höhn (1904-2000) est l’archétype de l’intellectuel technocrate au service du IIIe Reich. Juriste, il se distingue par la radicalité de ses réflexions sur la progressive disparition de l’État au profit de la «communauté» définie par la race et son «espace vital». Brillant fonctionnaire de la SS – il termine la guerre comme Oberführer (général) –, il nourrit la réflexion nazie sur l’adaptation des institutions au Grand Reich à venir – quelles structures et quelles réformes? Revenu à la vie civile, il crée bientôt à Bad Harzburg un institut de formation au management qui accueille au fil des décennies l’élite économique et patronale de la République fédérale : quelque 600 000 cadres issus des principales sociétés allemandes, sans compter 100 000 inscrits en formation à distance, y ont appris, grâce à ses séminaires et à ses nombreux manuels à succès, la gestion des hommes. Ou plus exactement l’organisation hiérarchique du travail par définition d’objectifs, le producteur, pour y parvenir, demeurant libre de choisir les moyens à appliquer. Ce qui fut très exactement la politique du Reich pour se réarmer, affamer les populations slaves des territoires de l’Est, exterminer les Juifs.
Passé les années 1980, d’autres modèles prendront la relève (le japonais, par exemple, moins hiérarchisé). Mais le nazisme aura été un grand moment managérial et une des matrices du management moderne.

Winter is coming : Une brève histoire politique de la fantasy de William Blanc

« Les dragons et les Hobbits ont toujours été des animaux politiques. Voyager avec eux, c’est prendre des détours pour mieux parler de l’indicible, c’est s’aventurer sur des chemins de traverse vers d’autres futurs. »

Grande fresque épique de fantasy inspirée des romans de G. R. R. Martin, Game of Thrones est désormais la série la plus célèbre au monde. Cette fascination pour un univers médiéval, dont les protagonistes craignent la venue d’un long hiver apocalyptique, fait écho aux angoisses contemporaines concernant le dérèglement climatique causé par l’activité humaine.
G. R. R. Martin n’a pas été le premier auteur à utiliser la fantasy pour parler des dérives du monde moderne et d’écologie. À bien y regarder, le genre du merveilleux contemporain développé à la fin du XIXe siècle en Grande-Bretagne a constamment servi d’outil pour critiquer la société industrielle.
De William Morris à J. R. R. Tolkien en passant par Ursula Le Guin, Robert E. Howard ou Hayao Miyazaki, ce petit ouvrage invite à questionner la généalogie politique de la fantasy.

William Blanc est historien. Il est notamment l’auteur de Super-Héros, une histoire politique (Libertalia, 2018) et Le Roi Arthur. Un mythe contemporain (Libertalia, 2016).