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Catégorie : Résistance

Michèle Sibony : La seule question qui vaille ici, hier comme aujourd’hui, comment résistons-nous ?

Intervention de Michèle Sibony, de l’union juive française pour la paix (UJFP) lors du meeting international qui a rassemblé à Paris, le 30 mars 2024, les organisations juives anticoloniales.

FAIRE BLOC

Nous, organisations juives anticoloniales de différents pays, et les organisations et militant·es se réclamant de l’émancipation collective, étions réunis à Paris le 30 mars 2024 pour réaffirmer la légitimité de la cause palestinienne et de la solidarité internationale. La guerre génocidaire que mène l’armée israélienne à Gaza, avec le soutien des chancelleries du monde occidental, donne lieu, en France, à une séquence particulièrement dangereuse. Stigmatisé·es comme des soutiens au terrorisme, les militant·es et organisations de gauche et du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien font face à la répression d’un État déjà bien engagé dans un tournant autoritaire et réactionnaire . Depuis le 7 octobre, c’est en grande partie au nom de la lutte contre l’antisémitisme que ce dernier se poursuit. En France, pays moteur de l’islamophobie dans le monde, la politique coloniale israélienne et le détournement de la lutte contre l’antisémitisme provoquent une dangereuse montée du ressentiment antijuif. Juives et Juifs de France, nous sommes instrumentalisé·es par le gouvernement et les forces politiques de droite et d’extrême-droite. Dans la longue période de fascisation que nous traversons, nous nous retrouvons d’autant plus isolé·es que nous sommes ouvertement utilisé·es comme prétextes au déploiement d’une politique islamophobe et antisociale. Cette situation est intenable et doit être renversée. Face au tournant autoritaire, face au racisme et au colonialisme, faisons bloc !

Alain Damasio 

L’écrivain Alain Damasio sort Vallée du silicium, chroniques inspirées d’un voyage dans la Silicon Valley californienne. « Les technocapitalistes visent la libération individuelle, ils vivent dans un élitisme absolu », dit-il.

Alain Damasio, écrivain, publie Vallée du silicium (Seuil), des chroniques et une nouvelle science-fiction inspirées de son séjour dans la Silicon Valley, aux États-Unis. « La matérialité du monde est une mélancolie désormais », annonce le bandeau du livre.

Écoutez ce grand entretien ci-dessous ou sur une plateforme d’écoute de votre choix.

« Nous devons tous être des contre-pouvoirs »

La part d’immigrés en France ne constitue que 10,3% de la population totale. Elle est inférieure à celle de pays comme l’Espagne, le Pays-Bas, Le Royaume Uni, l’Allemagne, la Belgique ou encore le Canada. Pourtant, aujourd’hui, le débat public sur l’immigration est dominé par les questions identitaires, sécuritaires, des politiques de chiffres, des propos outranciers et xénophobes. Surtout, les politiques actuelles oublient les humains, causent des souffrances immenses et surtout des non sens.

Au début de la crise migratoire de 2016, nombreuses sont les personnes qui ont montré qu’il était possible d’accueillir autrement. Des personnes qui ont changé leur vie et inventé une nouvelle forme de solidarité. Cedric Herrou en fait partie. Ce paysan français est devenu le symbole de l’aide aux exilés après avoir été arrêté et poursuivi en justice pour avoir secouru femmes, hommes et enfants qui traversaient la frontière franco-italienne. Il s’est retrouvé dans la lumière pour avoir combattu la notion de délit de solidarité devant la justice française. Depuis il a accueilli plus de 2500 migrants et a monté une communauté : Emmaüs Roya.

À l’occasion de la sortie de son essai “Une terre commune”, il est venu sur le plateau de Blast pour parler de son combat, de désobéissance civile, de l’actualité et de l’utopie qu’il est en train de construire dans sa vallée : Emmaüs Roya (une des seules communautés Emmaüs à vivre de l’activité agricole et qui accueille des personnes exclues et dans la précarité, de façon inconditionnelle). Une utopie capable de résister.

Journaliste : Paloma Moritz
Images : Arthur Frainet
Son : Baptiste Veilhan
Graphisme : Adrien Colrat
Diffusion : Maxime Hector
Production : Sophie Romillat
Directeur du développement : Mathias Enthoven
Rédaction en chef : Soumaya Benaissa
Directeur de la rédaction : Denis Robert

Le Média – Censure, surveillance : Le terrible bilan de Macron

Bastien était chez Le Média dans la matinale du 8 février 2022 pour revenir sur le bilan de 5 ans de surveillance et de censure sous Emmanuel Macron.

Notre article sur le sujet : https://www.laquadrature.net/2022/02/03/emmanuel-macron-cinq-annees-de-surveillance-et-de-censure/

Vidéo originale : https://www.youtube.com/watch?v=CKlIMjiUbfE

Les 7 règles de la diffusion des idées racistes en France

par Jacques Rancière, 19 Oct 2021

La diffusion des idées racistes en France semble être aujourd’hui une priorité nationale. Les racistes s’y emploient, ce qui est la moindre des choses. Mais l’effort des propagandistes d’une idée a des limites, en un temps où l’on se méfie des idées, et il a souvent besoin pour les dépasser, du concours de ses adversaires.

Là est l’aspect remarquable de la situation française : hommes politiques, journalistes et experts en tout genre ont su trouver ces dernières années des manières assez efficaces de faire servir leur antiracisme à une propagation plus intense des idées racistes. Aussi bien toutes les règles énoncées ici sont-elles déjà employées. Mais elles le sont souvent d’une manière empirique et anarchique, sans claire conscience de leur portée. Il a donc paru souhaitable, afin d’assurer leur efficacité maximale, de les présenter à leurs utilisateurs potentiels sous une forme explicite et systématique.

Règle 1. – Relevez quotidiennement les propos racistes et donnez-leur le maximum de publicité. Commentez-les abondamment, interrogez incessamment à leur propos grands de ce monde et hommes de la rue. Supposons par exemple qu’un leader raciste, s’adressant à ses troupes, laisse échapper qu’il y a chez nous beaucoup de chanteurs qui ont le teint basané et beaucoup de noms à consonance étrangère dans l’équipe de France de football. Vous pourriez considérer que cette information n’est vraiment pas un scoop et qu’il est banal, au surplus, qu’un raciste, parlant à des racistes, leur tienne des propos racistes. Cette attidude aurait une double conséquence fâcheuse : premièrement vous omettriez ainsi de manifester votre vigilance de tous les instants face à la diffusion des idées racistes ; deuxièmement, ces idées elles-mêmes se diffuseraient moins. Or l’important est qu’on en parle toujours, qu’elles fixent le cadre permanent de ce qu’on voit et de ce qu’on entend. Une idéologie, ce n’est pas d’abord des thèses, mais des évidences sensibles. Il n’est pas nécessaire que nous approuvions les idées des racistes.

Il suffit que nous voyions sans cesse ce qu’ils nous font voir, que nous parlions sans cesse de ce dont ils nous parlent, qu’en refusant leurs « idées » nous acceptions le donné qu’elles nous imposent.

Règle 2. – N’omettez jamais d’accompagner chacune de ces divulgations de votre indignation la plus vive. Cette règle est très importante à bien comprendre. Il s’agit d’assurer un triple effet : premièrement, les idées racistes doivent être banalisées par leur diffusion incessante ; deuxièmement, elles doivent être constamment dénoncées pour conserver en même temps leur pouvoir de scandale et d’attraction ; troisièmement , cette dénonciation doit elle-même apparaître comme une diabolisation, qui reproche aux racistes de dire ce qui est pourtant une banale évidence. Reprenons notre exemple : vous pourriez considérer comme anodin le besoin où est M. Le Pen de faire remarquer ce que tout le monde voit à l’oeil nu, que le gardien de l’équipe de France a la peau bien noire. Vous manqueriez ainsi l’effet essentiel : prouver qu’on fait aux racistes un crime de dire une chose que tout le monde voit à l’oeil nu.

Règle 3. – Répétez en toutes circonstances : il y a un problème des immigrés qu’il faut régler si on veut enrayer le racisme. Les racistes ne vous en demandent pas plus : reconnaître que leur problème est bien un problème et « le » problème. Des problèmes acec des gens qui ont en commun d’avoir la peau colorée et de venir des anciennes colonies françaises, il y en a en effet beaucoup. Mais tout cela ne fait pas un problème immigrés, pour la simple raison qu’ « immigré » est une notion floue qui recouvre des catégories hétérogènes, dont beaucoup de Français, nés en France de parents français. Demander qu’on règle par des mesures juridiques et politiques le « problème des immigrés » est demander une chose parfaitement impossible. Mais, en le faisant, premièrement, on donne consitance à la figure indéfinissable de l’indésirable, deuxièmement, on démontre qu’on est incapable de rien faire contre cet indésirable et que les racistes seuls proposent des solutions.

Règle 4. – Insistez bien sur l’idée que le racisme a lui-même une base objective, qu’il est l’effet de la crise et du chômage et qu’on ne peut le supprimer qu’en les supprimant. Vous lui donnez ainsi une légitimité scientifique. Et comme le chômage est maintenant une exigence structurelle de la bonne marche de nos économies, la conclusion s’en tire tout naturellement : si on ne peut supprimer la cause « profonde » du racisme, la seule chose à faire est de lui supprimer sa cause occasionnelle en renvoyant les immigrés chez eux par des lois racistes sereines et objectives. Si un esprit superficiel vous objecte que divers pays ayant des taux de chômage voisins n’ont pas de débordements racistes comme chez nous, invitez-le à chercher ce qui peut bien différencier ces pays du nôtre. La réponse va de soi : c’est qu’ils n’ont pas comme nous trop d’immigrés.

Règle 5. – Ajoutez que le racisme est le fait des couches sociales fragilisées par la modernisation économique, des attardés du progrès, des « petits Blancs », etc. Cette règle complète la précédente. Elle a l’avantage supplémentaire de montrer que les antiracistes ont, pour stigmatiser les « arriérés » du racisme, les mêmes réflexes que ceux-ci à l’égard des « races inférieures » et de conforter ainsi ces « arriérés » dans leur double mépris pour les races inférieures et pour les antiracistes des beaux quartiers qui prétendent leur faire la leçon.

Règle 6. – Appelez au consensus de tous les hommes politiques responsables contre les propos racistes. Invitez sans trêve les hommes du pouvoir à s’en démarquer absolument. Il importe en effet que ces politiciens reçoivent le brevet d’antiracisme qui leur permettra d’appliquer avec fermeté et d’améliorer, si besoin est, les lois racistes destinées, bien sûr, à enrayer le racisme. Il importe aussi que l’extrême droite raciste apparaisse comme la seule force conséquente et qui ose dire tout haut ce que les autres pensent tout bas ou proposer franchement ce qu’ils font honteusement. Il importe enfin qu’elle apparaisse être, pour cela seul, victime de la conjuration de tous les gens en place.

Règle 7. – Demandez des nouvelles lois antiracistes qui permettent de sanctionner l’intention même d’exciter au racisme, un mode de scrutin qui empêche l’extrême droite d’avoir des sièges au Parlement et toutes mesures du même ordre. D’abord, des lois répressives peuvent toujours resservir. Ensuite, vous prouverez que votre légalité républicaine se plie à toutes les commodités des circonstances. Enfin, vous consacrerez les racistes dans leur rôle de martyrs de la vérité, réprimés pour délit d’opinion par des gens qui font les lois à leur convenance.

Il s’agit, en bref, d’aider la diffusion du racisme de trois manières : en divulgant au maximum sa vision du monde, en lui donnant la palme du martyre, en montrant que seul le racisme propre peut nous préserver du racisme sale. On s’emploie déjà, avec des succès appréciables, à cette triple tâche. Mais, avec de la méthode, on peut toujours faire mieux.

Jacques Rancière est professeur de philosophie à l’université Paris VIII.