Zone Temporaire Noétique

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Catégorie : Philosophie

le Mal qui vient de Pierre-Henri Castel

Ce bref essai procède d’une idée à première vue insupportable : le temps est passé où nous pouvions espérer, par une sorte de dernier sursaut collectif, empêcher l’anéantissement prochain de notre monde. Le temps commence donc où la fin de l’humanité est devenue tout à fait certaine dans un horizon historique assez bref – autrement dit quelques siècles.
Que s’ensuit-il ? Ceci, d’également insupportable à concevoir : jouir en hâte de tout détruire va devenir non seulement de plus en plus tentant (que reste-t-il d’autre si tout est perdu ?), mais même de plus en plus raisonnable.
La tentation du pire, à certains égards, anime d’ores et déjà ceux qui savent que nous vivons les temps de la fin. Sous ce jour crépusculaire, le Mal, la violence et le sens de la vie changent de valeur et de contenu. Pierre-Henri Castel explore ici quelques paradoxes de ce nouvel état de fait, entre argument philosophique et farce sinistre.
Êtes-vous prêts pour la fin du monde ?

Pierre-Henri Castel est philosophe, historien des sciences, et psychanalyste.

Sur la piste animale de Basptiste Morizot

Depuis les forêts du Yellowstone aux crêtes du Kirghizstan, des steppes du Haut-Var à la terrasse de son appartement, Baptiste Morizot nous invite à partir sur les traces d’êtres hors du commun, souvent mythifiés : les grands prédateurs – ours, loups, panthères des neiges…
À travers différents récits de pistage, l’auteur nous propose ainsi de nous « enforester », selon l’expression des coureurs de bois du Grand Nord canadien : porter son attention sur le vivant simultanément autour de nous et en nous, et apprendre à cohabiter avec lui.
Page après page, le pistage repeuple la nature, et notre monde intérieur.

Réparons le monde, Humains, animaux, nature de Corine Pelluchon

Notre capacité à relever le défi climatique et à promouvoir plus de justice envers les autres, y compris envers les animaux, suppose un remaniement profond de nos représentations sur la place de l’humain dans la nature. Prendre au sérieux notre vulnérabilité et notre dépendance à l’égard des écosystèmes permet de saisir que notre habitation de la Terre est toujours une cohabitation avec les autres. Ainsi, l’écologie, la cause animale et le respect dû aux personnes vulnérables sont indissociables, et la conscience du lien qui nous unit aux autres vivants fait naître en nous le désir de réparer le monde.

Fragments recomposés d’Héraclite

Cette nouvelle édition commentée des Fragments d’Héraclite est le fruit d’un travail totalement iné-dit. Alors que les éditions de référence (Hermann Diels en 1922 et Walter Kranz en 1934), comme celle de Jean Bollack et Heinz Wismann, se limitaient à les présenter selon un ordre alphabétique arbitraire, Marcel Conche procède ici à un mouvement d’ensemble du concret vers l’abstrait. Après des règles de méthodes viennent ainsi des lois universelles, puis les réalités elles-mêmes : le monde, les âmes, la cité… Le schéma eût sans doute fait sourire Héraclite (ce qui n’eût pas été marque de désaveu), mais il rappelle qu’un fragment ne doit pas être interprété seul, et que les Fragments sont avant tout le reflet d’un système achevé en constante redéfinition.

Je est un nous de Jean-Philippe Pierron

Enquête philosophique sur nos interdépendances avec le vivant

Pour répondre à la question « qui suis-je », nous ne cessons de raconter des histoires.

Et parmi celles-ci, il y a nos liens à un animal, un arbre, une rivière ou des matières. Dire je, c’est exprimer combien nous sommes reliés à la nature par d’innombrables capillarités secrètes. Jean-Philippe Pierron mène l’enquête auprès de philosophes et penseurs de l’écologie. Souvent, la rencontre d’un animal ou d’un paysage a été le catalyseur de leur engagement, comme si une brèche poétique et sensible s’était ouverte en eux, permettant une nouvelle manière de se penser, d’agir et de sentir, comme si elle avait inauguré un style d’engagement, vivant humain parmi les vivants. Partant de ces constats, il invite chacun à faire retour poétiquement sur sa propre expérience, mettant au jour la dimension écobiographique de sa vie.

Il interroge les conditions sociales et culturelles qui empêchent d’ordinaire de les évoquer, y trouvant une des raisons de la crise de nos liens avec la nature. Cet ouvrage travaille à l’expression des prémisses d’une transformation radicale, en vue de relations plus équilibrées et vivantes avec la nature.

Michel Foucault en Californie de Simeon Wade

Un soir de mai 1975, le philosophe Michel Foucault contempla Vénus s’élever dans le ciel étoilé au-dessus du désert des Mojaves, dans la vallée de la Mort, en Californie. Quelques heures auparavant, il avait ingéré une dose de LSD offerte par les jeunes hôtes américains qui avaient organisé pour lui un road trip hors du commun. Ce fut une nuit d’hallucination et d’extase, qu’il décrira comme l’une des « expériences les plus importantes de [sa] vie », ayant bouleversé son existence et son œuvre.
Cet épisode, rapporté par certains biographes, a longtemps été sujet à caution, considéré comme tenant davantage de la légende que de la réalité. C’était avant que ne soit redécouverte une archive étonnante : le récit détaillé de cette aventure, consigné à l’époque par Simeon Wade, le jeune universitaire californien qui avait entraîné l’auteur de l’Histoire de la folie dans cette expérience psychédélique.
Demeuré inédit pendant plus de quarante ans, ce document original, mêlant anecdotes et dialogues, peut aussi être lu comme un texte littéraire, la chronique d’une excursion où se noue une amitié et d’où resurgit l’esprit d’une période. L’auteur de l’Histoire de la folie dans cette expérience psychédélique. Demeuré inédit pendant plus de quarante ans, ce document original, mêlant anecdotes et dialogues, peut aussi être lu comme un texte littéraire, la chronique d’une excursion où se noue une amitié et d’où resurgit l’esprit d’une période.

Simeon Wade (1940-2017) a enseigné l’histoire dans plusieurs universités dans les années 1970, avant de devenir infirmier à l’hôpital psychiatrique du comté de Los Angeles puis infirmier en chef à l’hôpital du comté de Ventura (Californie).

L’Ere de l’individu tyran de Eric Sadin

Protestations, manifestations, émeutes, grèves ; crispation, défiance, dénonciations : depuis quelques années, la colère monte, les peuples ne cessent de rejeter l’autorité et paraissent de moins en moins gouvernables. Jamais le climat n’a été si tendu, laissant nombre de commentateurs dans la sidération. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quels éléments et circonstances ont fait naitre et entendre une telle rage, démultipliée sur les réseaux sociaux ?
Les raisons de la révolte sont connues et liées aux dérives du libéralisme élu comme seul modèle politique (aggravations des inégalités, dégradations des conditions de travail, recul des services publics, mises à jour de scandales politiques…). Mais la violence avec laquelle elle se manifeste à présent est inédite car exprimée par un sujet nouveau : l’individu tyran. Né avec les progrès technologiques récents, l’apparition d’internet, du smartphone et les bouleversements induits par la révolution numérique (applications donnant le sentiment que le monde est à nos pieds, réseaux sociaux où ma parole vaut celle de tous, mon image magnifiée…), c’est un être ultra connecté, replié sur sa subjectivité, conforté dans l’idée qu’il est le centre du monde, qu’il peut tout savoir, tout faire, et voyant dans l’outillage technologique moderne l’arme qui lui permettra de peser sur le cours des choses. C’est le I de Iphone, le You de Youtube. Jamais combinaison n’aura été plus explosive : les crises économiques renforcent l’impression d’être dépossédé, la technologie celle d’être tout-puissant. L’écart entre les deux ne cesse de se creuser et devient de plus en plus intolérable. Les conséquences sont délétères : délitement du lien social, de la confiance, du politique ; montée du communautarisme, du complotisme, de la violence… Plane la menace d’un « totalitarisme de la multitude ».
Dans cet essai brillant, mené tambour battant, Eric Sadin livre une analyse neuve et tragiquement juste de l’effondrement de notre monde commun à travers une mise en perspective historique, politique, sociale, économique et technique unique. Mais il le fait pour mieux repenser les termes d’un contrat social capable de nous tenir, à nouveau, ensemble

Le normal et la pathologique de Georges Canguilhem

« Le travail présent est un effort pour intégrer à la spéculation philosophique quelques-unes des méthodes et des acquisitions de la médecine. Il ne s’agit de donner aucune leçon, de porter sur l’activité médicale aucun jugement normatif […]. Nous avons l’ambition de contribuer au renouvellement de certains concepts méthodologiques en rectifiant leur compréhension au contact d’une information médicale […]. Nous pensons obéir à une exigence de la pensée philosophique qui est de rouvrir les problèmes plutôt que de les clore. » Cet ouvrage est la thèse de doctorat en médecine présentée en 1943 par Georges Canguilhem, augmentée, lors de sa réédition vingt ans plus tard, de réflexions philosophiques sur la signification du terme « normal » en médecine.

De la guerre de Thucydide

« La guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens », écrivait au XIXe siècle Clausewitz dans son célèbre traité De la guerre. C’est un principe qu’illustrent plusieurs passages de La Guerre du Péloponnèse, de Thucydide, qui retrace en détail le conflit entre Sparte et Athènes. On découvrira dans ces pages des considérations stratégiques, tactiques, des techniques de combat sur terre comme sur mer, des harangues à la rhétorique imparable, et quelques tableaux de batailles saisissants. Considérant la guerre comme le fruit de lois humaines où n’entre aucune intervention surnaturelle, Thucydide bannit anecdotes, rumeurs et sentimentalisme dans des lignes passionnantes qui n’en frapperont que plus le lecteur d’aujourd’hui.

La déraison sanitaire d’Alexandra Laignel-Lavastine

Le Covid-19 et le Culte de la vie par-dessus tout

Jamais l’humanité n’avait été mieux armée médicalement face à une épidémie ; jamais elle ne se sera montrée aussi désarmée moralement. Pourquoi ? Vu l’amplitude de la crise qui s’annonce, nous ferions bien de nous interroger car nos descendants nous demanderont des comptes.

L’argument sanitaire a prévalu d’emblée. Mais serions-nous vraiment prêts à assumer le risque, hautement déraisonnable d’un point de vue civilisationnel, d’une réduction de l’homme à la « vie nue » (Walter Benjamin) ? Vers quelle tyrannie de la santé peut bien nous mener « l’État care » fantasmé par nos politiques et depuis quand ces derniers se donnent-ils pour ambition messianique de sauver les vivants ?

« Nous sommes grandioses, nous avons choisi la vie ! ». Et si le Coronavirus venait au contraire nous rappeler une vérité capitale : la vie au sens du bios est l’alpha, pas l’oméga.

À ce propos, aurait-on omis de méditer cet autre paradoxe du printemps 2020 : le jour, on souscrivait massivement au principe selon lequel la vie serait la valeur suprême. Le soir, on applaudissait en cœur un corps médical qui, par son sacrifice et son dévouement, nous démontrait d’une certaine façon l’inverse. Qu’ont-ils gagné en retour ? Rien, hormis la confirmation de leur qualité d’homme. C’est-à-dire tout. Voilà ce que notre sensibilité post-tragique ne parvient plus à comprendre.

L’impératif « Sauvons des vies ! » nous aurait-il collectivement hébétés ?